A Direction in the Fog / Une Direction dans la Brume
Between Blur and Sharpness / Entre Flou et Précision
I rarely get addicted to an artist, rarely find someone that throughout their body of work can consistently uphold an outstretched hand to me. So far, you know of two who have done this, Giegling and Cy Twombly. Today I share with you a recent one, discovered in late August, at the very end of our journey through the MNAC in Lisbon. The spider web I fell into was a striking painting by Luis Norohna Da Costa. Mysterious in narrative and in technique, I kept getting closer, squinting, waiting for my eyes to adjust to the blur (See figure 1.)
Figure 1, Untitled, c. 1970
While Da Costa was also an architect, filmmaker, sculptor, I want to focus on his paintings, specifically on his Western landscapes (like this, or this) and his figures (like this or this).
Familiar sceneries fuelled with infinite stories of passion and tragedy, are captured by Da Costa who, through the interaction between in-focus and out-of-focus allows us to float into them as if they were a distant, surreal, dreamy memory. His work is a projection of the inner linings of the mind, specifically the subjectivities of the mind: moments remembered wrong, drawn to infinite details and fogging their finite contexts. The paintings feed us with romance and then humorously elicit the anticipatory fear of not knowing what will be left of the present moment, and the obsession to absorb as much as possible. So, you can’t look away from his work, afraid that if you do, when you look back something may have moved. His work makes me feel like I am reminiscing on a past existence or sucking the life out of my current existence. If you happen to be with a loved one, specifically an unpredictable love, interacting with Da Costa’s work will make you want to grab their face in your hands and absorb as much as you can of their essence and of the sensory experience.
To expand on the idea of memory: “his paintings function as screens and, therefore, the images always assume themselves, against any naturalism, as an affirmation of a pure virtuality, that is, of a space in which every event gives rise to (or stars in) a potential space.” . They are, so to speak, images of images. And because they are like that, a systematic principle of distance or echo is lodged in them” (self-translated from Noronha da Costa: A representação das imagens by Bernardo Pinto de Almeida). This principle of distance or echo creates a feeling that something is off, that you are not seeing the full picture. Like a glitch in the matrix or a liquid dream, you feel entranced in an alternate reality. However eerie, this is a door towards the exploration of different dimensions. To realise that while our senses may be limited and our memory may be ephemeral, we have the possibility to imagine what could be. And for me, entering a dialogue with my subjectivity is playful and exciting, maybe more than reality itself.
Just a few weeks after Lisbon, I came across two still-lives from Johnny Mae Hauser’s Bildnis collection at Galerie Ron Mandos, that re-propose the blur technique, this time through photography (see figure 2). To use photography was curious to me; I like that it counteracts the original purpose of the medium: a camera, used to sharpen or replace memory, assisting the brain in the recollection of details, is instead used to capture an essence. Bildnis is “a discovery of oneself through emotional memory and its connection to everyday objects”. In these two images, I see kitchenware, maybe from the 60s, 70s, 80s…the housewife saga. While the blur in these photographs ties back to Da Costa through the creation of distance, the change in subject matter proposes a new interpretation. When replacing romantic scenery with everyday objects on a blank backdrop, we are left to appreciate the sensitivity inside of us, that soils the meaning we attach to the most lifeless objects. Instead of doubting our ability to remember, we remember our ability to feel. Instead of the escapism evoked through Da Costa’s surrealism that releases us, Hauser grounds us in solid, immortal forms that contain us.
fig.2 Bildnis, 2022
All this happens in a void between dimensions: between reality and dreams, present and past and future.
PS: I want to give a mention to the other artists at the Best of Graduates 2022 exhibition at Galerie Ron Mandos. Specifically, I really loved the work of Jiyan Duyu, Ellis Holman and Suzanne Adelmeijer.
Giulia
Il est rare que je devienne accro à un artiste, rare que je trouve quelqu'un qui, tout au long de son œuvre, me tende constamment la main. Jusqu'à présent, vous en connaissez deux: Giegling and Cy Twombly. Aujourd'hui, je souhaite partager avec vous une œuvre récente, découverte fin août, à la toute fin de notre voyage dans le MNAC de Lisbonne. La toile d'araignée dans laquelle je suis tombée est une peinture saisissante de Luis Norohna Da Costa. Mystérieuse par sa narration et sa technique, je n'ai cessé de m'approcher, de plisser les yeux, d'attendre que mes yeux s'adaptent au flou (voir figure 1).
Figure 1, Sans titre, c. 1970
Bien que Da Costa ait également été architecte, cinéaste et sculpteur, je vais me concentrer sur ses peintures, en particulier sur ses paysages occidentaux (comme celui-ci ou celui-là) et ses personnages (comme celui-ci ou celui-là).
Des paysages familiers, nourris d'histoires de passion et de tragédie, sont capturés par Da Costa qui, grâce à l'interaction entre la précision et le flou, nous permet de flotter dans ces paysages comme s'il s'agissait d'un souvenir lointain, surréaliste et rêveur. Son travail est une projection des parois intérieures de l'esprit, et plus précisément des subjectivités de l'esprit : des moments dont on se souvient mal, attirés par des détails infinis et embrumant leurs contextes finis. Les peintures nous nourrissent de romantisme, puis suscitent avec humour la peur anticipée de ne pas savoir ce qu'il restera de l'instant présent, et l'obsession d'en absorber le plus possible. Ainsi, on ne peut pas détourner le regard de ses œuvres, de peur que si on le fait, quand on regarde en arrière, quelque chose ait pu bouger. Son travail me donne l'impression de me souvenir d'une existence passée, ou d'aspirer la vie de mon existence actuelle. Si vous vous trouvez avec un être cher, en particulier un amour imprévisible, l'interaction avec l'œuvre de Da Costa vous donnera envie de prendre son visage dans vos mains et d'absorber autant que possible son essence et son expérience sensorielle.
Pour développer l'idée de mémoire : "ses tableaux fonctionnent comme des écrans et, par conséquent, les images s'assument toujours, contre tout naturalisme, comme l'affirmation d'une pure virtualité, c'est-à-dire d'un espace dans lequel chaque événement donne naissance à (ou se tient lieu dans) un espace potentiel. Elles sont, pour ainsi dire, des images d'images. Et parce qu'elles sont ainsi, un principe systématique de distance ou d'écho est logé en elles" (traduction libre de Noronha da Costa : A representação das imagens de Bernardo Pinto de Almeida). Ce principe de distance ou d'écho donne l'impression que quelque chose ne va pas, que l'on ne voit pas toute l'image. Comme une faille dans la matrice ou un rêve liquide, on se sent envoûté dans une réalité alternative. Aussi étrange soit-elle, cette sensation est une porte vers l'exploration de dimensions différentes. Réaliser que, même si nos sens sont limités et que notre mémoire est éphémère, nous avons la possibilité d'imaginer ce qui pourrait être. Et pour moi, entrer en dialogue avec ma subjectivité est ludique et excitant, peut-être plus que la réalité elle-même.
Quelques semaines après Lisbonne, je suis tombée sur deux natures mortes de la collection Bildnis de Johnny Mae Hauser à la Galerie Ron Mandos, qui reproposent la technique du flou, cette fois à travers la photographie (voir figure 2). L'utilisation de la photographie m'a paru curieuse ; j'aime le fait qu'elle va à l'encontre de l'objectif initial du médium: un appareil photo, utilisé pour affiner ou remplacer la mémoire, en aidant le cerveau à se souvenir des détails, est plutôt utilisé pour capturer une essence. Bildnis est "une découverte de soi à travers la mémoire émotionnelle et son lien avec les objets du quotidien". Dans ces deux images, je vois des ustensiles de cuisine, peut-être des années 60, 70, 80... la saga des femmes au foyer. Si le flou de ces photographies renvoie à Da Costa par la création d'une distance, le changement de sujet propose une nouvelle interprétation. En remplaçant les paysages romantiques par des objets de tous les jours sur un fond vierge, nous sommes amenés à apprécier la sensibilité qui sommeille en nous, qui trempe le sens que nous attachons aux objets les plus inanimés. Au lieu de douter de notre capacité à nous souvenir, nous nous souvenons de notre capacité à ressentir. Au lieu de l'évasion évoquée par le surréalisme de Da Costa qui nous libère, Hauser nous enracine dans des formes solides et immortelles qui nous contiennent.
fig.2 Bildnis, 2022
Tout cela se passe dans un vide entre les dimensions : entre la réalité et les rêves, le présent, le passé et le futur.
PS : Je tiens à mentionner les autres artistes de l'exposition Best of Graduates 2022 à la Galerie Ron Mandos. J'ai beaucoup aimé le travail de Jiyan Duyu, Ellis Holman et Suzanne Adelmeijer.
Giulia