Who are we when the wheel is empty ? / Qui sommes-nous quand la roue est vide ?
Fragments of a diary / Fragments d'un journal
26/09 As I'm leaving Italy.
It’s the sad morning after the elections and I can’t stop thinking about the Belgian Pavilion at the Venice Biennale 2022.
13/08 As I entered the Belgian pavilion my body got overwhelmingly warm and filled with noise. I cautiously ventured a bit further into the big room full of screens.
/ Each of them projects different colourful scenes. Each of them projects different loud noises. /
In the midst of that turmoil I got drawn toward a screen at the end of the room(fig.1). Staring at it I realized that this indiscernible mix of elements could only exist in relation to each other. Only then it would make sense. From tumultuous it became harmonic, similar to what experimental jazz feels to me (ex. Insight, Jun Fukamachi)
On the screen a kid was pushing a big truck wheel up a hill. The hill was black and sandy-like, and the black wheel seemed bulkier than the colourful little kiddo. The kid's game consisted in pushing the wheel to the top of the hill, to then pop into the wheel and roll down the hill. On repeat until he got tired, I guess. He pushed the wheel to the top once more and simply pushed the wheel down. This is how the short movie ends. And the noise ends as well.
26/09 This whole time, since I visited the Belgian Pavilion, I wondered why did the kid climb up the hill, all the way up, patiently, to then just observe the wheel slowly going down, empty.
I haven’t found an answer yet.
7/11 when we play games, especially as young kids, we lose awareness of who we are. We lose consciousness of what are our duties as human beings. We commit so much of ourselves to the game that we forget and almost misplace our persona. Once I had a talk with a friend about this concept. And we brought up how Gilles Deleuze also pointed out this bizarre phenomenon. Deleuze said something about how when, as kids, we play games, we lose our identity and only when our parents call us back in, disrupting or ending the game, we regain awareness of who we are. (don't quote me on it)
That morning I felt as if my parents shouted “Lisa, stop playing” and I immediately remembered who I was. myself, a migrant, who went back to her country — with no incentives from the government — to just vote. To vote for someone who never wins. To climb up the mountain and let the wheel roll down looking at it from above —- without myself inside. As if I wasn’t taking my own responsibility for it. Flying away the next morning.
Though this time it wasn’t my parents shouting my name to stop playing, but the sad reality I woke up to.
Lince
26/09 Alors que je quitte l'Italie.
C'est le triste matin qui suit les élections et je ne peux m'empêcher de penser au pavillon belge à la Biennale de Venise 2022.
13/08 En entrant dans le pavillon belge, j'ai ressenti une chaleur écrasante et un bruit intense. Je me suis aventuré prudemment un peu plus loin dans la grande salle pleine d'écrans.
/ Chacun d'eux projette des scènes colorées différentes. Chacun d'entre eux projette différents bruits forts. /
Au milieu de cette agitation, j'ai été attiré par un écran au bout de la pièce (fig.1). En le fixant, j'ai réalisé que ce mélange indiscernable d'éléments ne pouvait exister qu'en relation les uns avec les autres. Ce n'est qu'alors qu'il aurait un sens. De tumultueux, il est devenu harmonique, semblable à ce que me fait ressentir le jazz expérimental (ex. Insight, Jun Fukamachi).
Sur l'écran, un enfant poussait une grosse roue de camion sur une colline. La colline était noire et sablonneuse, et la roue noire semblait plus volumineuse que le petit enfant coloré. Le jeu du gamin consistait à pousser la roue jusqu'au sommet de la colline, pour ensuite se nicher dans la roue et dévaler la colline. Et cela en boucle jusqu'à ce qu'il soit fatigué, je suppose. Il a poussé la roue jusqu'au sommet une fois de plus et a simplement poussé la roue vers le bas. C'est ainsi que se termine le petit film. Et le bruit se termine aussi.
26/09 Tout ce temps, depuis que j'ai visité le Pavillon belge, je me suis demandé pourquoi l'enfant montait la colline, tout en haut, patiemment, pour ensuite juste observer la roue qui descend lentement, vide.
Je n'ai pas encore trouvé de réponse.
7/11 Quand nous jouons à des jeux, surtout quand nous sommes jeunes, nous perdons la conscience de qui nous sommes. Nous perdons la conscience de ce que sont nos devoirs en tant qu'êtres humains. Nous nous investissons tellement dans le jeu que nous oublions et perdons presque notre personnalité. Un jour, j'ai discuté de ce concept avec un ami. Et nous avons évoqué le fait que Gilles Deleuze a également souligné ce phénomène bizarre. Deleuze a dit quelque chose sur le fait que lorsque, enfants, nous jouons à des jeux, nous perdons notre identité et ce n'est que lorsque nos parents nous rappellent, en interrompant ou en mettant fin au jeu, que nous reprenons conscience de qui nous sommes. (Ne me citez pas là-dessus)
Ce matin-là, j'ai eu l'impression que mes parents me criaient "Lisa, arrête de jouer" et je me suis immédiatement souvenue de qui j'étais. Moi-même, une migrante, qui est retournée dans son pays - sans aucune incitation du gouvernement - pour simplement voter. Pour voter pour quelqu'un qui ne gagne jamais. Pour monter sur la montagne et laisser la roue descendre en la regardant d'en haut - sans moi-même à l'intérieur. Comme si je n'y prenais pas mes responsabilités. S'envoler le lendemain matin.
Bien que cette fois, ce n'était pas mes parents qui criaient mon nom pour que j'arrête de jouer, mais la triste réalité dans laquelle je me suis réveillé.
Lince




